René François Xavier Prinet naît le 31 décembre 1861 à Vitry-le-François, dans la Marne, au sein d’une famille de notables francs-comtois originaires de Luxeuil-les-Bains. Son père, Henry Prinet (1824-?), procureur impérial à Vitry-le-François, est un peintre amateur qui soutient les aspirations artistiques de son fils. Sa mère, par sa grand-mère maternelle, le relie aux peintres de cour Hubert Drouais (1699-1767) et François-Hubert Drouais (1727-1775). René-Xavier est également le frère de Gaston Prinet, diplomate. La famille s’installe à Paris, rue Bonaparte, près de l’École des Beaux-Arts, où René-Xavier semble destiné à étudier. Vers 1880, après le décès de Louis Charles Timbal, un peintre d’églises et ami de la famille qui le conseille initialement, René-Xavier intègre l’atelier de Jean-Léon Gérôme, un maître renommé, à l’Académie Julian. Il y côtoie des artistes francs-comtois comme Georges et Lucien Griveau, ainsi que Antonio de La Gandara, Louis-Auguste Girardot, Félix Desgranges, et Jules-Alexis Muenier. Il étudie brièvement à l’Académie Julian, renforçant sa formation classique.
En 1885, Prinet marque ses débuts au Salon des Artistes Français avec son tableau Jésus Enfant, accepté pour exposition. Il expose régulièrement à ce Salon jusqu’en 1889, consolidant sa réputation. En 1891, il reçoit une commande prestigieuse de l’État français pour décorer le Palais de la Légion d’Honneur avec Les Quatre Saisons, dont les esquisses sont approuvées. La même année, il expose à la galerie Durand-Ruel à Paris aux côtés d’artistes comme Albert Besnard, Jules-Alexis Muenier, et Henri Fantin-Latour, signe de sa reconnaissance croissante. En 1894, il épouse Jeanne Jaquemin (1865-1958), originaire de Bourbonne-les-Bains, dont le buste sera réalisé par Antoine Bourdelle en 1910 à l’église de la Madeleine, Paris. Ses beaux-parents possèdent une villa à Cabourg, le Chalet Double Six, où Prinet passe ses étés, peignant de nombreuses scènes de plage de cette station normande en pleine expansion. Ces œuvres, empreintes de l’atmosphère élégante de la Belle Époque, évoquent les descriptions de Marcel Proust, qui résidait à proximité au Grand Hôtel de Cabourg, bien que leur rencontre ne soit pas documentée.
Dans les années 1890, Prinet s’associe à la Bande Noire (ou « Les Nubiens »), un groupe de jeunes peintres incluant Lucien Simon, André Dauchez, Émile-René Ménard, Charles Cottet, et Maurice Denis. Ce mouvement, inspiré de Gustave Courbet et de la tradition classique, privilégie des couleurs sombres pour exprimer mélancolie et réalisme, contrastant avec l’impressionnisme lumineux. En 1899, Prinet rejoint la Société Nouvelle de Peintres et de Sculpteurs, exposant collectivement à la galerie Georges Petit en mars 1900. Une de ses œuvres les plus célèbres, La Sonate à Kreutzer (1901), inspirée du roman de Tolstoï, est exposée à l’exposition « L’Art français contemporain » à Stuttgart, où elle est acquise par Luitpold, prince régent de Bavière, marquant un sommet de sa carrière. Il illustre également des livres, comme Roman d’un Spahi de Pierre Loti, renforçant son rôle d’illustrateur.
Prinet s’engage dans l’enseignement artistique, d’abord à l’Académie de la Palette avec ses amis de la Bande Noire, puis à l’Académie de la Grande Chaumière en 1904, aux côtés d’Antoine Bourdelle. Déçu par le manque de sérieux de certains cours, il devient professeur à l’École Nationale des Beaux-Arts, où il dirige un atelier dédié aux étudiantes, une initiative novatrice pour l’époque. Il forme de nombreux élèves, dont Bessie Davidson, peintre australienne. Prinet expose régulièrement, notamment à la Société Belfortaine des Beaux-Arts (créée en 1926), aux côtés de Georges Fréset, Jacques-Émile Blanche, et Jules-René Hervé, ainsi qu’à Langres et Pittsburgh. Il participe également au Salon des Tuileries, qu’il contribue à fonder, et à des compétitions artistiques, comme les Jeux olympiques d’été de 1932 à Los Angeles. Actif dans des comités artistiques, il promeut les arts via le Comité permanent des expositions françaises à l’étranger.
Prinet est un peintre de la modernité et du réalisme, connu pour ses scènes de la bonne société parisienne, ses intérieurs élégants, ses portraits, et ses paysages normands. Ses œuvres capturent l’atmosphère de la Belle Époque, avec un goût pour l’anecdote, rappelant parfois les écrits de Proust. Parmi ses créations notables :
Peintures : La Sonate à Kreutzer (1901), Le Balcon (1905-1906, Musée des Beaux-Arts de Caen), Plage à Cabourg (1896, Musée d’Orsay), Salon de famille (1905), Femme à son secrétaire, et L’Adoration des Mages (Basilique Saint-Ferjeux, Besançon).
Décorations : Les Quatre Saisons (Palais de la Légion d’Honneur), Le Petit quadrille (Bibliothèque de l’Opéra de Paris), et une décoration au Musée national d’art moderne.
Illustrations : Affiches (ex. : Chemins de Fer de l’Est, 1930) et livres, comme Roman d’un Spahi. Son style se caractérise par une rigueur dans la composition, une palette sensible (sombres pour la Bande Noire, lumineuses à Cabourg), et une maîtrise des clairs-obscurs. Ses scènes de plage et d’intérieurs reflètent une élégance et une émotion simple, influencées par son maître Jean-Léon Gérôme.
En 1935, Prinet publie deux ouvrages pédagogiques : Initiation à la peinture et Initiation au dessin, reflétant son rôle d’enseignant. En 1943, il est élu à l’Académie des Beaux-Arts, succédant à Jules-Alexis Muenier. Nommé Officier et Grand-Croix de la Légion d’Honneur, il reçoit de nombreuses distinctions. Pendant la Première Guerre mondiale, il réalise des croquis de la vie au front, et durant la Seconde Guerre mondiale, il continue d’exposer jusqu’à ce que les conflits perturbent les activités artistiques. Prinet meurt le 26 janvier 1946 dans sa maison de Bourbonne-les-Bains, où il est enterré aux côtés de son épouse Jeanne, sans enfants. Ses œuvres sont conservées dans de nombreux musées (Orsay, Caen, Bordeaux, Douai, Vesoul, Bruxelles, Boston) et continuent d’être célébrées, notamment lors de rétrospectives en 1986 et 1987 (Musée Bourdelle, Vesoul, Belfort).
René-Xavier Prinet incarne la transition entre le réalisme classique et la modernité de la Belle Époque. Ses œuvres, présentes dans des collections privées et musées (Musée d’Orsay, Musée des Beaux-Arts de Caen, National Trust à Stourhead), capturent l’élégance et l’intimité de son époque. Sa participation à la Bande Noire et à la Société Nouvelle a influencé le réalisme français, tandis que ses décorations et illustrations témoignent de sa polyvalence. Son lien avec Cabourg et Proust enrichit son héritage culturel, et son enseignement a formé une nouvelle génération d’artistes.